Sur un sujet similaire à celui de Hors la loi, dans une tonalité différente, Et Pendant Ce Temps Simone Veille retrace l’histoire des droits de la femme de 1950 à 2010 à travers quatre générations de femmes. C’est une pièce de théâtre créée par Trinidad, Bonbon, Hélène Serres, Vanina Sicurani, mise en scène en 2015 par Gil Galliot, toujours à l’affiche à la Comédie Bastille (>).
Et Pendant Ce Temps Simone Veille se présente comme une comédie sur un sujet qui reste pourtant sérieux, celui de l’histoire du féminisme moderne. C’est une de ces comédies contemporaines qui nous plongent au cœur d’une problématique sociale abordée avec humour pour montrer les limites de la cause défendue. Présentatrice, une certaine Simone accompagne les spectateurs tout au long de l’action pour rappeler en particulier les dates les plus importantes dans la lutte pour les droits des femmes mais elle apporte également des éclairages sur certains termes ou réalités tombés dans l’oubli depuis leur apparition. Cette Simone veille ainsi sur le bon déroulement du spectacle tout en s’autorisant à faire des jeux de mots, des lapsus comiques ou des commentaires burlesques. Si elle ne représente pas Simone Veil, elle cautionne la justesse des revendications et des droits obtenus grâce à l’engagement de la célèbre femme politique. Le clin d’œil fait à sa personnalité dans le titre va dans le sens mordant de la pièce. Comme sur un plateau de télé, installée sur le devant de la scène côté cour, derrière un pupitre, Simone porte autant un regard averti et jubilatoire sur les événements évoqués qu’elle s’ingère dans les sketchs qui les illustrent sur les vies de trois femmes ordinaires issues chacune d’un milieu différent (ouvrier, moyen et aisé).
Et Pendant Ce Temps Simone Veille est un spectacle hilarant composé d’éléments divers : autant de parties jouées que de chansons qui sont des remakes faits sur des clichés liés aux représentations sclérosées de la femme, comme cette première reprise d’une publicité pour le premier robot électro-ménager Moulinex. La scène ressemble ainsi au plateau d’une émission de variété : devant un double écran sont posés quatre grands chiffres à hauteur de genoux qui changent selon les époques évoquées : 1950 ― 1970 ― 1990 ― 2010. Tous les vingt ans, on change de protagonistes qui chaque fois sont les descendantes de la génération précédente et qui chaque fois changent de vêtements selon les nouvelles tendances. L’évolution des mentalités suit ainsi de près, et allègrement, sur le plan matériel, celle de l’apparence et de l’attitude. La robe blanche à fleurs, par exemple, cèdera la place à un tailleur pantalon. Ce choix schématique permet de montrer sur un ton grotesque l’émancipation tant désirée par les unes que crainte par d’autres. C’est que la liberté progressivement acquise semble conduire les deux dernières générations à une impasse existentielle : autonomes et indépendantes, les femmes ne parviennent pas à vivre plus heureuses au sein d’un couple et à avoir des enfants. Si la femme issue de la bourgeoisie aisée a dû se faire avorter à l’étranger, la fille de sa petite fille cherche, dans les années 2010, à se faire inséminer en Espagne. Les valeurs familiales établies sur le modèle étriqué de la société bourgeoise ont certes été renversées, mais l’émancipation a engendré plus d’angoisse que de joie de vivre. Telle semble être la conclusion désillusionnée de cette histoire tourbillonnante des droits de la femme portée à la scène avec énergie grâce au jeu virevoltant de quatre comédiennes.
L’auto-dérision est ainsi à l’ordre du jour dans Et Pendant Ce Temps Simone Veille. Si les clichés et les clins d’œil faits aux deux premières périodes suscitent un rire franc, ce rire devient plus grinçant au cours des deux dernières périodes. Ce n’est pas une comédie de boulevard comme les autres : elle « instruit » le spectateur tout en portant un regard critique sur les faits représentés.